Il n’y a pas si longtemps, être directeur d’agence était une position enviable. Le manager de proximité incarnait la banque sur son territoire. C’était un notable. Les collaborateurs des agences aspiraient à recevoir ces galons qui récompensaient souvent un bon commercial, quant à savoir si cela le qualifiait pour conduire une équipe, la question semblait annexe. S’il avait su vendre, il parviendrait bien à insuffler à ses ouailles la niaque commerciale attendue avec douceur ou pas…

Les réseaux bancaires privilégiaient un management hiérarchique fort fait de respect des procédures, de discipline opérationnelle et de marquage à la culotte des performances commerciales.

Sans-doute cette vision semblera caricaturale à certains puisque bon nombre de managers essayaient de leur propre initiative de susciter l’envie, d’accompagner leurs collaborateurs, bref comme monsieur Jourdain, d’être des managers coach sans le savoir. Malgré ces efforts louables, le cadre de pensée managériale restait largement empreint de la logique « command and control ».

Avec la digitalisation accrue de la banque, la montée en puissance des générations Y et Z dans les effectifs et la concurrence des nouveaux acteurs (néobanques et GAFAM), les soft skills se sont imposées dans les référentiels managériaux. Le manager doit devenir un leader, un facilitateur, un coach, un intrapreneur… Autant de nouveaux rôles et de valeurs qui devraient être aujourd’hui plébiscités. Les foules devraient donc se bousculer pour gravir les marches du management… Hélas, cela ne semble pas le cas dans de nombreux réseaux parfois confrontés à une crise des vocations.

Pouvons-nous poser quelques idées pour expliquer cette étrange situation. Je vois plusieurs explications :

  1. De nouveaux rôles toujours plus nombreux :

Les référentiels managériaux s’étoffent. Il me suffira de citer les têtes de chapitre d’un référentiel managérial d’une banque régionale pour illustrer ce propos :

  • Porter la stratégie
  • Développer l’autonomie
  • Promouvoir le collectif
  • Impulser l’innovation
  • Accompagner le potentiel des collaborateurs
  • Assurer la performance durable
  • Développer le bien vivre ensemble

Derrière chacun de ces items, une liste de pratiques vient étayer le propos. Avec de tels décathloniens du management, le secteur bancaire ne risque pas de manquer de futurs Directeurs Généraux. Si bien évidemment tous ces items sont utiles, cette juxtaposition et cette injonction à la perfection ne peuvent-elles pas rendre la falaise trop abrupte pour les candidats à l’escalade managériale.

 

  1. De nouveaux rôles mais sans avoir enlevé les anciens :

Si le panel des soft skills attendues s’étoffe chaque jour au gré des modes managériales, les attendus sur le cœur du métier ne s’allègent pas pour autant. Les collaborateurs attendent toujours de leur manager un degré d’expertise élevé pour leur permettre de monter en compétences ; la conformité toujours de plus en plus lourde ne comprendrait pas qu’il n’ait pas intégré toutes les nouveautés réglementaires ; le directeur commercial attend toujours PNB et ventes. Notre manager idéal devient alors omniscient et omnipotent sauf que dans la réalité, à vouloir tout faire, on ne fait plus rien correctement. Certains managers ont alors le sentiment de ne plus faire leur métier.

 

  1. Entre le marteau et l’enclume :

Le manager de proximité est pris entre deux feux. D’un côté, il doit transmettre les directives venues d’en haut et de l’autre il doit se faire le porte-parole de ses collaborateurs. D’un côté, il doit répondre aux nombreuses injonctions de sa hiérarchie, et de l’autre il doit aider ses collaborateurs à monter en expertise. Ces tiraillements schizophréniques transforment le management en un art subtil de l’équilibre.

 

  1. Jongler avec les injonctions contradictoires :

« Il en vient de partout, on n’arrive plus à distinguer l’urgent de l’essentiel ».

Comme son nom l’indique, la banque de détail est faite de détails… Une multiplicité de directives, législations, orientations, injonctions arrivent toutes sur la table du manager. Comme nul n’est censé ignorer la loi et qu’il faut protéger les institutions, chaque département y va de ses procédures (chacune de plusieurs dizaines de pages) pour expliquer comment il faut travailler. Chacun voyant le petit bout de sa lorgnette, personne ne pense à l’empilement indigeste de ces commandements. Pire, cette prolifération est rarement organisée et peut se transformer en multiplication d’injonctions contradictoires. Prenons quelques exemples :

  • Il faut être agile mais les barèmes dérogatoires sont tellement restrictifs qu’il faut remonter la majorité des demandes de crédits aux lignes hiérarchiques supérieures,
  • Il faut faire de la satisfaction client mais on va densifier les portefeuilles au maximum pour gagner des postes,
  • Il faut vendre toujours plus, rendre des comptes sur sa performance à une hiérarchie impatiente, construire des plans d’actions pour combler le moindre écart mais sans être trop pressant vis-à-vis des collaborateurs… L’exigence avec la bienveillance.
  • Il faut faire des rendez-vous à distance mais à partir de l’agence car le télétravail, ce n’est pas pour vos collaborateurs…

Les managers confrontés à cette avalanche de normes discordantes priorisent et démultiplient comme ils peuvent ces informations qu’à l’heure des réseaux sociaux plus personne ne va lire.

 

  1. On ne vous dit pas merci !

Le manager de proximité est le pilier de la performance des réseaux de distribution. On compte sur lui pour régler tous les problèmes ou presque. Localement, il « tient la baraque », représente la banque et assure la cohésion sociale. L’a-t-on pour autant remercié pour cette contribution ? Entre 2012 et 2020, le nombre de managers dans les forces de ventes a chuté de 20%. La réduction des réseaux, le regroupement en structure « multisites », l’aplatissement des structures hiérarchiques, et les réorganisations perpétuelles ont fait disparaître plusieurs milliers de postes. L’ascenseur social autrefois si dynamique dans la banque semble s’être grippé. Pourquoi alors prendre un poste qui en demande toujours plus s’il n’offre plus vraiment de perspectives…

 

  1. Vie pro – vie perso :

« J’ai le sentiment de devoir tout gérer et d’être seul sur la ligne de front ».

Un manager est souvent seul. Patron de sa PME bancaire locale, les occasions de partage de ses soucis sont rares. Comme il est bien connu que les emmerdes volent en escadrille, les préoccupations s’accumulent vite : les clients mécontents, la concurrence agressive, la mésentente entre collaborateurs, les résultats qui ne sont pas là… sans compter la cuvette des chiottes qui est cassée. Tous ces problèmes du quotidien, le manager les ramène avec lui à la maison…

Bien évidemment, le pire n’est jamais sûr. Si le métier a ses peines, il a aussi ses joies et elles sont nombreuses. Malgré ces bonheurs fugaces un manager de proximité résume parfaitement la situation : « ce n’est pas un métier facile ». Alors partageons aussi quelques solutions pour réenchanter le métier :

    1. Make it simple :

L’empilement des exigences et les lourdeurs de certains processus engendrent de la complexité. Simplifier n’est pas aisé mais c’est une priorité pour redonner de l’envie aux futurs managers. Pour y parvenir, il faut écouter, réunir des groupes, faire émerger les irritants, trouver des alternatives et des solutions, tester et ajuster… Cette démarche, parce qu’elle témoigne de l’attention, favorisera l’engagement avant même d’avoir identifié les axes d’amélioration.

    1. Faire des choix, c’est renoncer !

Pour simplifier, il faut choisir. Reconsidérer le périmètre de tâches pour faciliter la vie des managers et les concentrer sur leur vraie valeur ajoutée. C’est un levier puissant de valorisation de leur contribution.  Cela libère du temps, renforce leur efficacité et développe leur talent. Le management demande du temps, pour en libérer il faut donc renoncer. Renoncer à les faire manager plusieurs marchés, renoncer à leur donner un portefeuille, renoncer à leur demander de tout démultiplier… Bref faire des choix pour leur libérer le temps pour manager.

    1. Un peu de créativité ne ferait pas de mal…

La banque a l’image d’une structure hiérarchique classique. Une belle pyramide aux multiples niveaux. Si la banque a essayé de se mettre à l’Agile dans les structures SI avec quelques succès, elle n’a pas brillé par sa capacité d’innovation managériale dans ses autres métiers en particulier dans celui du réseau. Il y aurait pourtant quelques idées à glaner et à tester pour rénover les pratiques :

  • Le management visuel et le Kanban pour le suivi des dossiers complexes,
  • Le double lien de la sociocratie pour dissocier la voie ascendante et descendante et arrêter de placer les managers entre le marteau et l’enclume,
  • La dissociation des rôles et des personnes de l’holacratie pour éclater les fonctions assurées par les managers sur plus de tête,
  • La gestion de projet souple à la mode adhocratique…

 

  1. Donner une carte et un GPS !

Pour se mettre en chemin, on a besoin d’avoir une vue claire de la destination mais aussi de l’itinéraire et des moyens de locomotion.  Donner de grands principes ne peut suffire, il faut éclairer les référentiels de management de façon précise. Décrire les attendus et les illustrer permet de faire comprendre aux managers ce qu’on attend d’eux. Il ne s’agit pas de construire un carcan déresponsabilisant mais d’avoir suffisamment de précisions pour baliser le chemin et faciliter le passage à l’action.

 

  1. Plus on est de fous…

La solitude du manager n’est pas de bon conseil. Plusieurs options sont possibles pour briser cet isolement :

  • S’organiser différemment : Chez Nouvelles Donnes, nous avons organisé au sein de certains réseaux des trios managériaux qui peuvent se partager un périmètre élargi ainsi que leurs joies et leurs peines… Ce schéma facilite l’échange, le croisement de vue et renforce le soutien auprès des équipes en jouant sur la complémentarité de ce trio.
  • Animer des communautés de managers : des logiques de co-développement permettent de partager des problématiques managériales entre pairs et d’offrir des solutions que l’on ne saurait trouver seul…

 

  1. Le management, cela s’apprend

C’est une évidence. Plus grand monde ne remet en cause cela. On forme donc les managers au management, c’est tant mieux et c’est déjà cela… A la fin, il en restera peut-être quelque chose… Mais parfois j’en doute, pour plusieurs raisons :

  • Parce qu’au-delà de grands principes, rien n’est fait…
  • Parce que l’on pense que 2j de présentiel fera le job mais qu’aucun ancrage n’est prévu…
  • Parce que les jolis principes ne sont pas appliqués de la tête jusqu’en bas…

Alors si vous voulez que votre formation ne soit pas comme de l’eau versée sur du sable :

  • Attaquer vous avant aux points cités ci-dessus (la simplicité, le nettoyage des tâches, la clarté des référentiels…)
  • Alignez tout le monde : la force de l’exemplarité
  • Ancrez dans la durée : le pouvoir de la répétition

En résumé : simplifier, prioriser, réinventer, guider et former ! La montagne semble bien difficile à gravir. Pourtant le sommet est largement à portée en se concentrant sur l’objectif de ré-enchanter la vie des managers de proximité. Nouvelles Donnes peut vous accompagner dans l’ascension, avec son pragmatisme et ses solutions robustes, étape par étape en ménageant plusieurs pauses et camps de base. Mais toujours en restant encordé avec vous et la passion au cœur !