La digitalisation des comportements bancaires s’accélère et les récentes crises renforcent le mouvement en complexifiant l’accès aux agences bancaires (gilets jaunes, réforme des retraites, COVID19).

L’arrivée à maturité des solutions digitales comme la signature électronique, et demain l’usage intensif de la visioconférence, contribuent grandement à cette transition. Nous estimons qu’en 2020, la moitié des ventes sera réalisée à distance depuis l’agence ou depuis les centres de relation client.

Le renforcement de la relation à distance permet de traiter des portefeuilles de clients de taille plus significative et pourrait avoir un impact sur les métiers de conseillers particuliers notamment lors de regroupements d’agences. L’impact visible de cette digitalisation se lit dans l’évolution des effectifs en agence (cf. figure 1). Sur la dernière décennie, les métiers d’accueil et administratifs ont été les plus impactés par cette tendance. La récente crise du Coronavirus devrait intensifier ce phénomène.

Quelles sont alors les conséquences de ces évolutions sur la place de l’agence dans la relation bancaire et sur la charge de travail des collaborateurs ?

Figure 1. Evolution française des effectifs bancaires 2008-2018

Source : Observatoire des métiers bancaires

L’agence reste le centre névralgique des réseaux de distribution

L’avenir n’est pas à la disparition des réseaux physiques. Au contraire, la relation humaine reste essentielle pour la réassurance client, le crédit et le développement de l’équipement, notamment en termes de produits complexes. Une étude récente de l’ACPR montre d’ailleurs que si les néo-banques permettent de fournir, sans condition de revenus, des prestations sur la banque au quotidien (plus particulièrement sur les moyens de paiement), les banques traditionnelles « restent les intermédiaires privilégiés pour le financement des étapes importantes qui structurent la vie de la clientèle ». De fait, l’expertise bancaire reste concentrée dans les agences mais la typologie de services attendue par les clients évolue.

Agence ne veut pas nécessairement dire « rendez-vous physique » : les ventes à distance depuis l’agence ont été multipliées par 4 sur les 5 dernières années (cf. figure 2) alors que les ventes hors agence n’ont progressé que de 25% sur la même période.

Figure 2. Contribution des canaux aux ventes

Source : Nouvelles Donnes

Le conseiller en agence doit ainsi développer une posture pivot de la relation multicanale : c’est l’ère du « phygital », ou du « 100% humain / 100% digital ». Ce changement de paradigme aboutira à une évolution nécessaire de la distribution des réseaux bancaires qui devront redéfinir leurs repères d’activité.

De l’adaptation des métiers à celle des repères d’activité

L’ajustement des repères d’activité devra tenir compte des éléments suivants :

  • La charge administrative est allégée du fait de l’arrivée à maturité des outils digitaux et de leur appropriation,
  • L’augmentation des contacts dématérialisés devra être prise en compte (le volume d’appels et de courriels devrait tripler d’ici 5 à 10 ans),
  • Le temps alloué à chaque rendez-vous client se trouvera réduit (la durée moyenne d’un rendez-vous est de 45 minutes s’il est réalisé en face-à-face contre 20 minutes à distance),
  • Les rendez-vous pourront se faire à plusieurs avec un expert hors-site.

 

Figure 3. Exemple de répartition du temps de travail d’un conseiller particulier en 2020

Source : Nouvelles Donnes

La performance des conseillers et la satisfaction client sont étroitement liées à la taille et à la composition des portefeuilles : un portefeuille très hétérogène (i.e. composé de segments de clientèle ayant des besoins différents) induit un niveau de service en deçà des standards des banques. En effet, chaque segment de clientèle requiert des compétences qui lui sont propres. Les qualifications d’un conseiller doivent alors être alignées avec les besoins de son portefeuille.

Dernier point, investiguons le lien entre la taille du portefeuille et le niveau de vente du conseiller. L’idée couramment admise est celle d’une corrélation entre nombre de ventes et taille de portefeuille : « plus j’ai de clients, plus je vends ». Cette croyance n’est pas toujours démontrée par les données. En revanche, lorsque l’on cherche à analyser les taux de couverture, on identifie souvent des tailles de portefeuille optimales en termes d’efficacité commerciale (cf. figure 4).

L’ajustement de l’intensité relationnelle et de la taille des portefeuilles est alors primordial afin d’adapter le niveau de service de la banque aux attendus du marché.

Figure 4. Optimum du nombre de ventes pour 100 clients en fonction de la taille du portefeuille des conseillers particuliers d’un réseau bancaire

Source : Nouvelles Donnes

Enjeux d’adaptation du dimensionnement des réseaux

Pour ajuster son réseau aux attentes des différents segments et optimiser la rentabilité de son dispositif, une démarche d’allocation des ressources adaptée doit être menée. Trois questions se posent alors :

  • Le réseau est-il suffisamment dimensionné pour répondre aux ambitions de développement commercial de la banque ?
  • Le réseau dispose-t-il du niveau adéquat de conseil et d’expertise pour chaque segment de marché ?
  • Le réseau est-il suffisamment spécialisé sur les segments à enjeux (clients professionnels, patrimoniaux…) ?

En modulant les référentiels d’activité, l’intensité relationnelle par segment de clientèle et donc la taille des portefeuilles des conseillers, on aboutit à un dimensionnement des effectifs au sein de chaque agence cohérent avec :

  • Le fonds de commerce de l’agence,
  • Les ambitions de développement par segment,
  • Les spécificités des territoires,
  • La transformation des métiers.

Enfin, les attendus relationnels des clients vis-à-vis de leur conseiller reposent sur le triptyque : digitalisation, réactivité et expertise. Cela passe par une véritable prise d’autonomie des collaborateurs. Les banques devront repenser leurs schémas délégataires afin de responsabiliser davantage les acteurs du terrain et d’augmenter leur marge de manœuvre.

Les réseaux vont bouger et les réflexions sur les organisations distributives vont s’accélérer dans les années à venir. Les clés nécessaires pour structurer un réseau sont les suivantes :

  • Calibrer les nouveaux référentiels d’activité,
  • Dimensionner finement les effectifs,
  • Soigner la conduite du changement en impliquant le Middle Management.

Ces recettes fonctionnent de la même façon pour repenser les plateformes de relation client et/ou de Back et Middle Office. La technologie percute ces acteurs qui doivent faire évoluer leur modèle. Par ailleurs, la montée en intensité de la relation à distance des conseillers en agences questionne la place des plateformes de relation client dans les modèles de distribution des banques.

A suivre…