Depuis 20 ans, Nouvelles Donnes est spécialisé dans l’amélioration de l’efficacité commerciale des réseaux bancaires. Le cabinet a donc une grande expérience de l’utilisation du « temps commercial » en agence. Les facteurs limitants sont nombreux. Les pistes d’optimisation aussi.
Les démarches d’optimisation que nous menons s’appuient sur des mesures factuelles, le traitement des difficultés dans une approche de « parcours clients & collaborateurs » et intègrent un dispositif robuste de conduite du changement orienté « métier ».

Le temps commercial, déterminant majeur de la variation de PNB

Compte tenu de l’environnement concurrentiel qui limite la capacité d’action sur les prix, le développement du PNB de la Banque de Détail est fortement corrélé à l’évolution du fonds de commerce et de l’équipement de la clientèle. Une partie de l’équipement de la clientèle (et de la conquête dans une moindre mesure) peut être obtenue par la promotion digitale des services qui débouche sur des achats autonomes du client (ou du prospect) sur les canaux web ou appli. L’optimisation de la proactivité digitale qui aboutit à des parcours en self-care est donc un sujet important. Il n’est pas traité dans cet article.
Plus de 70% des ventes nécessitent toujours l’intervention d’un commercial dans le processus pour conseiller au client la solution pertinente pour lui, ou a minima l’accompagner et le rassurer dans le processus de souscription qu’il a entrepris. Dès lors, le « Temps de Relation Commerciale » est une variable clé dans la recherche du développement du PNB de la banque de détail, dans la mesure où il est directement corrélé au nombre de clients que chaque conseiller peut conseiller et accompagner.

Du « temps commercial » au « temps de relation commerciale »

La notion de temps commercial peut avoir une extension large et intègre pour certains la totalité du temps des conseillers commerciaux des réseaux de distribution. Nous souhaitons ici introduire un concept plus limitatif pour retenir le « temps d’échange client ou prospect dédié au conseil et à la vente des produits ». Nous appellerons cette fraction du temps de travail le « temps de relation commerciale ». Nous ne négligeons pas l’importance des temps d’étude de dossier ou de traitement des opérations mais préférons retenir une définition qui nous rapproche le plus possible de la notion de « surface commerciale utile » pour l’accompagnement des clients.

Variabilité du « temps de relation commerciale »

Le temps de relation commerciale tel que défini ci-dessus varie très significativement entre les métiers et entre les établissements.
• Les métiers de l’entreprise ont généralement moins de 20% de temps de relation commerciale compte tenu de l’importance des travaux d’étude et de montage de dossiers complexes inhérents à ces marchés.
• Les métiers Pro se situent généralement entre 30 et 45% de temps de relation commerciale.
• Les métiers particuliers disposent, suivant les réseaux, de 30 à 60% de temps de relation commerciale.
Ces trente points d’écart ont un impact déterminant sur la productivité commerciale (du simple au double).

Illustration de la variabilité sur 2 banques à réseau française – Conseiller de clientèle particulier : (Nouvelles Donnes 2020)

Si l’on cumule les temps passés au traitement du téléphone client, des mails clients, des rendez-vous agence et des rendez-vous à distance, la banque 1 à un temps de relation commerciale de 32%, la banque 2 de 57%.
Les principaux déterminants de cet écart sont :
– Le temps de traitement du téléphone et des mails internes (services du siège, allers-retours sur des processus, notamment crédit)
– Le temps perdu lié à des mauvaises performances ou indisponibilités informatiques (latences, chutes techniques qui nécessitent des reprises d’œuvre)
– Le temps dédié à la formation, mal maîtrisé dans la banque 1, notamment sur le volet réglementaire
A contrario, le temps lié à l’administration des ventes (saisie de dossiers, scan des pièces justificatives, contrôles et archivages…) est relativement comparable dans les deux établissements. La Banque 2 a par ailleurs su développer beaucoup plus fortement les rendez-vous à distance, plus courts que les rendez-vous en agence. Au global, la Banque 2 comptabilise 2 fois plus de rendez-vous et deux fois plus de ventes que la Banque 1.

Les travaux menés par Nouvelles Donnes dans les différents réseaux bancaires montrent donc que le temps de relation commerciale représente une quotité du temps de travail très variable d’un réseau à l’autre.
Nous identifions 4 grands domaines à fort niveau d’impact sur le temps commercial :

• la gestion de la conformité, des contrôles et des risques,
• l’optimisation des processus,
• la gestion du fiduciaire et des moyens de paiement,
• l’optimisation des systèmes d’information et de téléphonie.

Premières pistes d’optimisation sur les mises en conformité, les contrôles et la gestion des risques

Les tâches liées à la mise en conformité des dossiers clients et des ventes a pris une place très significative dans les réseaux bancaires. Plusieurs pistes permettent de limiter le temps consacré à ces activités essentielles mais commercialement peu productives.

1. KYC et self care

Plusieurs banques ont commencé à déployer des dispositifs qui permettent au client d’être acteur du KYC : Questionnaires MIF en ligne gamifiés, site de chargement des avis d’imposition assorti des dispositifs de LAD/RAD utiles… Ces dispositifs permettent d’augmenter le niveau global de conformité et allègent fortement la charge des collaborateurs réseau dans les travaux de mise en conformité.

2. Nativement conforme : déploiement des processus de signature électronique

Les processus de signature électronique embarquent nativement les éléments de conformité nécessaires. Le processus crédit est le plus emblématique de ces processus et les protocoles de signature électronique garantissent le respect des délais, les paraphes aux endroits nécessaires, la collecte des signatures des co-emprunteurs si nécessaire… Le niveau d’usage des protocoles de signature électronique est encore très variable suivant les réseaux.

3. Révision des plans de contrôle

Plusieurs banques à réseau ont fait évoluer leur organisation pour installer des agences multisites. Dans ces dispositifs un manager (ou un collectif de managers) encadre les équipes de plusieurs points de vente. Dans ce cadre, il est possible de revoir la maille de contrôle pour la porter au niveau du multisites. Cette adaptation permet d’économiser 20 à 30% du temps de contrôle car les dispositifs d’échantillonnage s’opèrent sur des masses critiques suffisantes.

4. Décisions de paiement

La gestion des comptes en situation irrégulière est une activité essentielle pour la bonne maîtrise du risque. Chaque client dispose d’une autorisation de découvert qui permet d’organiser la souplesse utile aux aléas de la consommation des équipes.
2 pistes permettent d’alléger le temps consacré à ces activités :
(i) La mise en place d’autorisations « techniques » qui ne sont pas communiquées au client mais permettent une gestion automatisée des petits dépassements de solde
(ii) L’installation de dispositifs de « scoring comportemental » qui permettent d’attribuer une note de risque à chaque client en fonction de son comportement bancaire passé. Cette note devient un paramètre pour installer des autorisations techniques adaptées à chaque client.

5. Optimisation et personnalisation des plafonds de paiement/retrait.

Les limites de retrait ou de paiement mal paramétrées engendrent de l’insatisfaction client et entraînent un accroissement inopportun des appels téléphoniques. Le traitement de la data permet aujourd’hui une personnalisation optimale des plafonds.

Et si on testait une approche « parcours client » ?

De nombreux parcours ne sont pas encore optimisés et entraînent des allers-retours trop fréquents, des ruptures de charge qui induisent du délai sans valeur ajoutée évidente. La mise en place d’une démarche « parcours client » permet d’optimiser l’ensemble des processus bout en bout pour le client. Plusieurs leviers sont habituellement mobilisés : les programmes relationnels ; l’IT et le digital ; l’automatisation de tâches via du RPA ; les postures des acteurs.

1. Middlisation

L’approche parcours peut conduire à revoir les périmètres d’activité des différentes unités. Plusieurs établissements ont déjà fait évoluer leurs services de back-offices pour permettre aux équipes de prendre directement en charge le client sur certains travaux de complétude. Dans les formats les plus avancés, ces services « middle » ont aussi la possibilité de compléter l’offre proposée au client et deviennent ainsi contributeurs à l’accroissement du PNB de la relation sans sollicitation complémentaire du réseau commercial.

2. Exemple d’approche parcours sur le domaine Crédit

L’approche parcours appliquée au domaine crédit permet :
– de décentraliser complètement la gestion des crédits simples en signature électronique et de proposer ainsi au client le meilleur niveau de réactivité,
– de centraliser la mise en place des crédits techniquement plus complexes (prêts réglementés, relais croisés…) après construction de l’offre par le commercial d’agence vers des collaborateurs qui deviennent les interlocuteurs du client jusqu’à la bonne fin des opérations, sans aucune sollicitation réseau.
– de flécher sur des experts à distance pour les crédits patrimoniaux complexes. Le réseau n’intervient plus du tout et passe le relais à un « front » expert et centralisé.

Pour fluidifier la gestion du fiduciaire et des moyens de paiement

1. Gestion des moyens de paiement

La gestion des moyens de paiement est déjà grandement optimisée dans la plupart des réseaux. Certains n’ont pas encore activé l’envoi des chéquiers et des cartes à domicile. Ces bonnes pratiques peuvent limiter la charge de travail sur ces activités sans valeur ajoutée pour les clients.

2. Gestion du fiduciaire et des automates

La gestion du fiduciaire (scannérisation des chèques, chargement et déchargement des GAB, comptage des dépôts) est une charge de travail qui peut être importante et est souvent très mal vécue par les collaborateurs des réseaux d’agence. Plusieurs solutions permettent de réduire l’impact de ces travaux sur le Temps de Relation Commerciale :
(i) L’externalisation de la gestion du parc d’automates
La banque contractualise avec un transporteur de fonds qui prend en charge l’ensemble des tâches de délestage et de rechargement, ainsi que les travaux de maintenance. Cette solution radicale est souvent très couteuse. Si la facturation induite doit être récupérée sur la masse salariale agence… alors l’équation globale est souvent négative sur le volet « Temps de Relation Commerciale »
(ii) La gestion internalisée par une équipe dédiée.
Certains collaborateurs peuvent avoir des capacités commerciales très limitées. La constitution d’une équipe « Gestion des valeurs » pour desservir l’ensemble des points de vente d’une zone urbaine peut dans ce cas être une solution pertinente. La difficulté de cette option d’organisation tient au renouvellement de ces équipes. Il n’est pas forcément souhaitable de recruter des personnes sur ce type de profil et le renouvellement des équipes « GDV » n’est donc pas assuré.
(iii) Le déploiement des automates recyclant
Cette solution permet dans de très nombreux points de vente de limiter le passage dans l’espace sécurisé à un passage par quinzaine. La charge en agence devient tout à fait supportable. Bénéfice complémentaire : les équipes conservent une capacité d’intervention dans l’espace sécurisé et peuvent prendre en charge les dépannages de niveau 1 (restitution de carte avalée, bourrage…). Le service client s’en trouve optimisé. Cette solution, couplée à l’installation de bornes intelligentes de lecture de chèques parait être une solution pertinente dans de nombreux contextes.

En tout état de cause, il est rarement opportun de chercher à déterminer une solution univoque à déployer sur l’ensemble du territoire. Chaque site mérite une analyse spécifique pour définir l’organisation la plus pertinente localement.

Monitorer les « retraits dépannages »

Toutes les banques proposent à leurs clients des solutions pour opérer les retraits, versements et virements en toute autonomie. Dans la plupart des établissements, des processus de « secours » permettent aux clients en difficulté de retirer de l’argent sans leur carte de retrait. Ces dispositifs de « retraits dépannages » ou « cartes minutes » peuvent être mal utilisés et engendrer une sur-sollicitation des équipes d’accueil sans aucune valeur ajoutée client. Il est essentiel de monitorer finement l’utilisation de ces protocoles de dépannage et de réfléchir aux modalités de facturation utiles pour les clients sur-utilisateurs.

L’optimisation des systèmes d’information et de la téléphonie, premier pas vers l’amélioration de l’expérience collaborateur.

1. Ergonomie des outils

Les banques de détail ont fait les investissements nécessaires pour proposer à leurs clients des applications de très haut niveau. Les processus self care sont généralement très fluides et l’expérience client est extrêmement positive. A contrario, les systèmes utilisés par les conseillers n’ont pas toujours fait l’objet des investissements utiles. Les collaborateurs doivent utiliser des applications multiples, mal chaînées, ressaisir des informations avec un risque d’erreur, une charge de travail inutile et une charge mentale non négligeable. Certaines banques développent aujourd’hui des applications « client/conseiller ». Les investissements opérés pour la fluidité des parcours clients se trouvent immédiatement mis à disposition des conseillers. Cette démarche exigeante réconcilie l’expérience client et l’expérience collaborateur.

2. Indisponibilité des systèmes d’information

La plupart des « Core banking Systems » ont vieilli et les développements successifs se sont empilés pour créer un mille-feuilles pas toujours bien maîtrisé. Les travaux d’optimisation des coûts de serveur entraînent également parfois des réductions de performance, négligeables en moyenne annuelle, mais insupportables en période de pic de sollicitations. Dans certains réseaux, les « lenteurs techniques » ou « indisponibilités temporaires » peuvent générer une perte de temps considérable qui s’approche des 10% du temps travaillé.

3. Téléphonie

L’accessibilité de la banque est un déterminant majeur de la qualité de service perçue par les clients. Le routage massif des appels sur les CRC n’est pas la solution pertinente dans la mesure où le média téléphone devient le média cœur de la relation client. Les technologies de VOIP permettent d’organiser des boucles locales très performantes en matière de prise en charge de la clientèle pour permettre aux CRC de se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée.

4. Gestion des mails

Les dernières évolutions sur la lecture automatisée des mails permettent aujourd’hui de préparer des projets de réponse très qualitatives. Ces outils d’IA, mis à disposition des conseillers, peuvent leur permettre d’optimiser le temps de traitement des mails et de focaliser leur attention sur les possibilités de rebond commercial.

Pour optimiser le « temps de relation commerciale » du conseiller bancaire, améliorer ses performances commerciales mais également la qualité de la perception de son travail, il existe donc des pistes d’optimisation possibles.
Ces démarches d’optimisation doivent s’appuyer sur une mesure factuelle des temps, de traiter les difficultés dans une approche « parcours client » et intégrer un dispositif robuste du changement orienté « métier ».