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L’agence bancaire physique est-elle en train de devenir un luxe ?

À l’heure où la digitalisation se développe et où la relation à distance devient la norme, le maintien d’un réseau d’agences physiques peut s’apparenter à un luxe.

Les habitudes de consommation changent, c’est un fait. La manière de consommer la banque n’y échappe pas.

Digitalisation, distanciel, signature électronique, parcours omnicanal ou déclin progressif de la monnaie fiduciaire nourrissent la virtualisation de la relation entre le client et sa banque et questionnent le rôle et l’essence même de l’agence physique de proximité. Les succès des banques en ligne, néo-banques et autres fintech enfoncent le clou.

Ce phénomène se traduit dans les chiffres. Alors que "62 % des Français se rendaient en agence plusieurs fois par mois en 2007, ils ne sont désormais plus que 9 % à les fréquenter aussi régulièrement"[1], laissant les banques en « surcapacité » d’accueil. C’est d’autant plus vrai pour la France qui dispose d’un réseau significativement plus dense que certains de ses voisins européens (1 agence pour 2 000 habitants vs 1 pour 4 300 en Allemagne, en 2023)​ [2].


Graphique représentant l'évolution du nombre d'agences bancaires dans les grands pays européens de 2006 à 2024
Évolution du nombre d'agences bancaires dans les grands pays européens depuis 2006 [2]

Une baisse de fréquentation qui remet en cause le modèle des agences

Une surcapacité d’accueil et des fermetures

Cette baisse structurelle de fréquentation pose la question de la rentabilité des agences, soulève des problématiques de fonctionnement opérationnel et implique des ajustements de dispositif, notamment pour les plus petites structures.

Naturellement, des optimisations de maillage sont réalisées, notamment chez les banques nationales qui concentrent une part significative des fermetures ces dernières années.

Les banques mutualistes régionales, plus implantées et attachées à la couverture du territoire (gouvernance locale, raison d’être) procèdent à des ajustements plus ponctuels et moins significatifs.

L’agence physique : un lieu structurant dans la relation du client avec sa banque

Un lieu de repère et de fidélisation

Pourtant, l’agence reste un marqueur fort dans la relation que noue un client avec sa banque.

Pour les banques, c’est un lieu totem qui favorise la conquête de nouveaux clients et permet de se démarquer de la concurrence. Fermer une agence, c’est assurément perdre des parts de marché si un concurrent reste mieux positionné.

Pour les clients, c’est un point de repère, un lieu qui rassure, y compris pour les clients qui n’y mettent jamais les pieds. Une étude de la Fédération bancaire française (FBF) note d’ailleurs que "pour 80 % des clients, la banque idéale doit laisser la possibilité de recourir à des services sur Internet et en agence"[1]​​.

La proximité et la capacité à proposer un accompagnement personnalisé restent des critères qui comptent au moment de choisir son partenaire financier.

Les défis sont multiples

Des attentes hétérogènes des clients

Si certains consomment la banque ponctuellement et essentiellement à distance dans une logique purement transactionnelle, d’autres ont une approche beaucoup plus relationnelle et sollicitent du liant et du lien.

Tous avec une exigence de qualité et de réactivité. La flexibilité est la clé de l’agence de demain.

Un défi organisationnel

Pour mener des rendez-vous physiques, accueillir les clients, répondre au téléphone, réaliser les formalités administratives et réglementaires, le tout avec des effectifs parfois restreints (le nombre de points de vente de moins de 5 collaborateurs représente environ 30 % à 50 % du total selon les réseaux), l’organisation doit être parfaitement cadrée et agile pour absorber les pics de charge ou les absences.

L’attractivité RH et la rentabilité

À l’instar de nombreuses industries, l’industrie bancaire fait face à une crise des vocations. Le recrutement est plus complexe, le turn-over plus élevé qu’auparavant. Certaines zones (rurales notamment) peuvent souffrir davantage de ce phénomène.

Certaines structures de petite taille ne réunissent qu’un nombre peu significatif de clients (moins de 800) et s’avèrent peu ou pas rentables dans leur configuration actuelle. Un modèle plus flexible et profitable doit être trouvé.

Adapter l’agence plutôt que la faire disparaître

L’agence physique conserve, nous l’avons vu, de solides atouts et une utilité réelle pour les banques et leurs clients. Les défis sont nombreux et la transformation nécessaire. L’innovation doit être au service de la proximité.

Pour assurer une transition efficace vers un modèle durable et résilient les banques doivent penser l’agence bancaire de demain autour de trois axes : l'esprit, le format et le fonctionnement.

L’esprit de l’agence

L’esprit de l’agence, c’est sa raison d’être.

D’un lieu essentiellement transactionnel, l’agence doit se transformer en un espace de dialogue, de vie, un lieu qui dépasse sa fonction primaire.

Trois enjeux coexistent :

  • Le territoire : cadre d’exercice et espace dans lequel l’utilité de l’agence bancaire doit pouvoir matérialiser son impact.

  • Les clients : porteurs de projet, animateurs du territoire et raison d’être de l’agence.

  • Les collaborateurs : ambassadeurs du rayonnement de la banque auprès des clients, sur le territoire.

Le format de l’agence

Le format de l’agence, c’est son architecture, sa structuration, ses marqueurs. Il doit illustrer concrètement l’esprit défini. Pour être pertinent, il doit s’adapter au contexte. Une agence rurale n’aura ni la même vocation, ni les mêmes défis qu’une agence de centre-ville.

Atomisation du réseau, potentiel local, état de la concurrence, taille de l’équipe et de l’agence sont autant de paramètres susceptibles d’impacter l’organisation et l’utilité du lieu.

Des initiatives émergent déjà :

  • Espace de promotion des acteurs locaux ou d’une activité tierce (service public ou de proximité). Le Crédit Agricole Atlantique Vendée et ses "Local CA Vous by CA"[3]​​​ propose des ateliers pour accompagner la transition numérique et environnementale.

  • Espace d'animation et de promotion des commerçants locaux. Le Crédit Mutuel du Sud-Ouest [4] transforme certaines agences en "boutiques de quartier" accueillant des commerçants​.

  • Espace de coworking, comme au Crédit du Nord à Lille [5]​.

Le fonctionnement de l’agence

Le fonctionnement de l’agence, c’est le concret, le quotidien. À l’instar du format, le fonctionnement de l’agence doit pouvoir s’adapter à l’environnement dans lequel elle s’inscrit.

Parmi les solutions, nous pouvons citer :

  • Ouverture alternée ou partielle : Adapter la mobilisation des ressources et l’organisation de l’accueil à la réalité des flux. Cette modalité est particulièrement développée dans les réseaux mutualistes (Crédit Agricole, Banque Populaire, Caisse d'Épargne).

  • Agences hybrides : Intégrer en agences des activités de back ou middle office pour y maintenir des ressources humaines qui peuvent alterner entre un rôle de conseiller de clientèle classique et une autre mission selon une organisation prédéfinie. La banque Belge CBC [6] a développé des "agences live" qui allient accueil physique et centre de relation client​.

  • Ouverture sans accueil posté permanent : Favoriser la proximité et l’ouverture sur l’extérieur sans remettre en cause la capacité à recevoir des clients en rendez-vous. Ce schéma vise à maintenir un point de vente ouvert sans mobiliser un collaborateur à l’accueil en permanence, tout en laissant la possibilité pour les clients d’attendre qu’un conseiller se rende disponible. Certains réseaux font même le choix de supprimer tout accueil posté en proposant une expérience 100% digitale au sein d’une agence physique [7].

  • Horaires flexibles : Apporter aux collaborateurs plus de flexibilité dans leur emploi du temps et aux clients des opportunités de rencontre hors des horaires habituels d’ouverture. Comme au Crédit Agricole des Savoie [8], qui propose des rendez-vous dès 7h​ en semaine.


Demain, une agence bancaire physique plus agile et connectée

L’agence physique de proximité conserve un rôle central dans la relation qu’entretiennent les banques et leurs clients.

Si son importance varie selon les établissements, nul doute qu’elle doit innover, se transformer et s’adapter à son environnement pour maintenir son rôle et contribuer à fidéliser les clients.




 

Par Jean-Baptiste Dupré

Manager | Stratégie & transformation


 

[1] Benoît DANTON. Etude FBF-IFOP 2023 « Les Français, leur banque, leurs attentes » – La banque relationnelle reconnue par les Français. 06/03/2023. Consulté ici.

[2] Number of offices, Euro area (changing composition), World (all entities), Euro area (changing composition), Annual. 11/10/2024. Consulté ici.

[3] Le Crédit Agricole Atlantique Vendée inaugure son premier tiers-lieu. 30/11/2023. Consulté ici.

[4] Le Crédit Mutuel du Sud-ouest réaménage ses agences. 13/03/2015. Consulté ici.

[5] Delphine CUNY. Quand l’agence bancaire se transforme en mode coworking. 14/03/2019. Consulté ici.

[6] CBC Banque : évolution du réseau de distribution avec des “agences hybrides” et “centres retail”… 21/09/2022. Consulté ici.

[7] Delphine CUNY.  Une banque ouvre des agences sans employés. 20/02/2017. Consulté ici.

[8] Fiches infos des agences. 27/02/2025. Consulté ici.






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